Allez, lançons-nous dans notre déchargement d'ennuis futiles si propre à cette sale période qu'est la tombée de l'hiver et l'entrée dans la routine. Chaque matin je me demande pourquoi je me réveille. Parce que je suis en vie, me direz-vous, oui mais bon. Chaque matin, avant que le soleil ne se lève, je suis là, debout, fatiguée sans réelle raison, déprimée avant même d'être en droit de l'être. Je me lève, et je reprends ces gestes quotidiens, pas assez répétés encore pour me lasser, je me prépare, physiquement, à ce qui va suivre. Mentalement, ça ne sert à rien, plutôt oublier d'ailleurs.

C'est la même chanson chaque année, c'est le même schéma qui se répète inlassablement, et chaque année je réagis un peu différemment. Mon père me répète "que je suis plus forte qu'avant, que maintenant ça ne me fait plus rien", comme si le problème était réglé, après tout "mes problèmes ne sont rien à côté des siens, si seulement je savais". Oui je sais, je sais que je ne sais pas, mais il ne sait pas qu'il ne sait pas, et le pire c'est que ma phrase est juste.
Chaque année j'ai gagné en expérience, chaque année j'aborde la haine, l'intolérance, la jalousie, l'hypocrisie de façon différente. Oui mais cette année n'est pas la bonne, je le sens et je l'ai senti avant même de la commencer. Je me suis placée à la ligne de départ, les pieds dans les starting blocks, j'ai regardé devant moi et je n'ai vu que le vide, avant même d'avoir démarré la course. Et là, je viens de courir 100m sur un chemin en zig zag, et mon seul souhait est de faire demi-tour. Ou d'avoir un claquage, une bonne raison pour arrêter, même si elle fait mal.

Et je me lève le matin, et sans même avoir le courage d'y penser, je me jette les yeux fermés dans ma routine, ma triste routine, ma douloureuse routine. J'essaie même de ne pas me plaindre, parce que d'autres ont bien pire que moi. D'autres se droguent, d'autres boivent, d'autres nagent dans leur fiel, et ils en sont fiers. C'est grave pourtant, je suis même désolée pour eux parce qu'à côté je vais très bien, oui mais. Mais moi j'ai un gros, un énorme défaut, j'en ai même plein.
Mes défauts consistent à ne pas m'habiller en noir et décorer mon sac au tipp-ex de signes sataniques, à ne pas considérer les profs comme des cibles, à suivre cette horrible habitude de travailler en cours, à commettre cette honteuse faute d'avoir de bonnes notes (rhhm parfois), à ne pas fumer, à ne pas prévoir de beuveries dans mon agenda, à ne pas avoir une bande de potes rebelles du système tous faits dans le même moule, à faire mes devoirs et à ne pas haïr mes parents.

Je suis une ratée de la vie vous voyez, j'ai même refusé de passer ma copie à une glandeuse pour qu'elle recopie en 5 min ce sur quoi j'ai passé ma soirée. Je suis anti-sociale, je suis égoïste, je suis lèche-bottes, je suis travailleuse et c'est mal. Je suis d'ailleurs rejetée, ignorée, ou au contraire haïe, ridiculisée, je suis sûrement maso aussi parce qu'en plus je ne change pas. Je suis de ces gens qui n'ont rien compris à la vie, qui n'ont pas compris que le summum de l'attitude humaine c'est d'être un mouton qui change de pâturage au gré des modes et des attitudes dictées par des gens pleins de frics qui veulent s'en faire encore plus en tondant ces moutons jusqu'au dernier bout de laine.
Oh ! Honte sur moi j'ai oublié d'être cool.

Ma mère prend des cours d'informatique et veut retourner bosser, je vois mon père 5 minutes par jour, ma soeur ne sait que me reprocher d'exister. Avant, quand l'ambiance était pourrie à l'école j'étais heureuse de rentrer chez moi. Maintenant, je ne sais pas où je me sens le mieux ... ou le moins bien, c'est à voir. Je vis dans ma chambre, coincée entre la poussière et les bouquins de cours, même pas motivée pour quoi que ce soit, passant mon temps à essayer de prendre sur moi, parce que les autres ont besoin d'aide et que eux c'est légitime.

J'ai pris du poids, je ressemble à un amas de pas grand-chose, je commence à croire que vraiment je suis culpabilisatrice et incapable, ingrate et égocentrique, et je ne peux plus me voir en peinture.

Et je préfère l'été, je rougis moins quand je me fais draguer par des clodos bourrés.