Tu fais les cents pas dans le couloir, ton classeur de français dans les mains, tu t'abreuves de Chateaubriand, parce que tu sais que tu vas tomber dessus, on tombe toujours sur les textes qu'on n'aime pas. Tu connais par coeur tes textes, tu maîtrises. Il n'y en a qu'un sur 15 que tu n'as pas révisé, mais tu es sûr de ne pas tomber dessus, c'est une certitude forte et inexplicable. L'échéance approche, tu relativises, tu appliques la technique de respiration par les oreilles du grand maître chinois Kalmetwa Saïra, tu crois en toi, parce que tu vas y arriver.

L'oral blanc de Français. Je ne le souhaiterais même pas à mes pires ennemis (oh, quoique).

La porte s'ouvre, tu sens le courant d'air du destin qui te titille les narines. Non tu n'éternueras pas, tu dois rester digne, essayer de sourire mais il ne faut pas trop en demander. Tu prends un air sérieux. Ta prof te sourit. Quand un professeur sourit, attends-toi au pire mon petit (cette phrase-ci est du grand maître allemand Jezui Pezimist). Elle tetend la feuille qui contient en petites lettres noires et appliquées ton décret de torture.

LE texte, le seul et unique que tu n'as pas appris, que tu n'as même pas lu. Même Chateaubriand ça aurait été.

Il est en face de toi, il te nargue de tout son contraste entre les lettres noires de la mort et la feuille, pure et blanche, qui aurait pu recevoir n'importe lequel des autres textes pour faire ton bonheur, et t'écorche les yeux lorsque tu aperçois l'immonde vérité. Alors tu tombes dans le gouffre de la malchance, du destin, de la tragédie, tu perds l'équilibre  tout en te forçant à avoir l'air sûr de toi.

L'oral blanc de Français, c'est un peu comme utiliser une perceuse, tu sais pas trop comment faire, mais t'as pas le choix (proverbe célèbre d'un auteur qui a préféré garder l'anonymat).

Ce fut le mot de la fin.